Le 26 juin 1966 au musée du Louvre nous étions Claudine et moi en admiration
devant le portrait de Madame Maclotte de Sainte Marie par Monsieur Ingres.
Alors Claudine qui venait d' acheter le journal "ELLE" présente une photo de mode à côté du tableau en disant:
-Explique moi la différence ?
La question était difficile !
Il fallait chercher du côté de la géométrie. Au commencement etait le cercle. Je traçais donc un cercle sur l'image et je vis que le cercle était bon.
Je le découpe et je lui dit : -Monsieur le cercle faites votre boulot.
Alors il tourne et entraine avec lui un morceau de l'image. Bravo le cercle ! Le cercle jubile de l'effet produit !
On en veut encore. Alors on trace des cercles autour de toutes les zones significatives de l'image. Il y a beaucoup de cercles qui se recoupent et la même zone se trouve inscrite dans plusieurs cercles. On veut tourner mais ça bloque. Je hurle: -Chacun à son tour! Alors il se produit un phénoméne extraordinaire. Ces zones de l'image se mélangent en permutant. Ainsi métamorphosée la photo de mode devient un objet géométrique qui a acquis un style propre distinct du réalisme photographique. C'est précisément le probléme, si magnifiquement résolu dans le portrait de Madame Maclotte.
- Voila une explication lumineuse, dit Claudine avec un sourire enchanteur.
Très fier de moi, je retourne au Louvre
Je trouve Monsieur Ingres en train de montrer à Picasso comment on dessine au crayon.
Ils lèvent tous deux le nez avec impatience. Je leur montre mon découpage :
- On voit bien que vous ne savez pas dessiner au crayon, dit Monsieur Ingres visiblement en colére,
le mieux pour vous c'est de faire un Taquinoscope.
- Mais vous ne réussirez jamais comme cubiste, ajouta gentiment Picasso.